Moins d’un an après l’adoption de la loi EGALIM fin octobre 2018, une Commission d’enquête de l’Assemblée nationale a été créée pour analyser les pratiques de la grande distribution et mettre un terme à “la destruction de valeur” issue d’une “guerre des prix” au sein des GMS.
41 propositions ont été présentées par le rapporteur de la commission d’enquête Grégory Besson Moreau le 25 septembre 2019. Sous l’impulsion du rapporteur, une nouvelle proposition de loi visant à rééquilibrer les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs a été déposée le 30 juin 2020 (pièce jointe ou lien) et renvoyée à la Commission des affaires économiques.
Cette proposition de loi vise à inscrire dans la loi certaines propositions de la commission d’enquête pour rééquilibrer les relations entre les différents maillons de la chaine alimentaire pour renforcer la loi Egalim et lutter contre la “guerre des prix” qui pourrait se retrouver accentuée par la crise Covid-19.
La FICT va procéder à une analyse détaillée de la proposition de loi pour identifier les opportunités et les menaces/risques pour les entreprises de charcuterie traiteur. Sur cette base, nous définirons un plan d’actions avec notre cabinet de lobbying et proposerons aux parlementaires les modifications et ajustements aux articles que nous jugerons nécessaires.
La Commission des affaires économiques devrait se prononcer sur la proposition de loi en septembre 2020. En cas d’accord, elle serait inscrite à l’agenda de l’Assemblée nationale fin 2020 ou début 2021.
Nous vous tiendrons naturellement informés des suites de ce dossier.
RAPPEL
La FICT avait analysé les 41 propositions formulées par la Commission d’enquête puis avait identifié les OPPORTUNITES et MENACES pour notre Profession :
OPPORTUNITES
Thématique n°1 – Redonner du pouvoir de renégociation au fournisseur, rétablir le tarif comme référent de base
Proposition n° 9 : Mieux encadrer par la loi la possibilité de réviser ou renégocier les accords conclus entre distributeurs et fournisseurs dans le cadre des articles L.441-4 et L.441-8 du code de commerce en fonction de l’atteinte ou non des objectifs fixés contractuellement.
Analyse du Cabinet Grall et Associés : cette proposition est très intéressante et va réellement dans le bon sens ; elle permettrait d’aller au-delà de la simple clause de revoyure dont malheureusement il faut bien constater l’inefficacité récurrente depuis cinq ans et de porter la recommandation du Médiateur des relations agricoles, à savoir intégrer dans les contrats un dispositif de révision des prix pour prendre en compte les évolutions des matières premières, main d’œuvre, emballages, énergies… Cette proposition doit pouvoir déboucher sur une modification à court terme de la loi
Analyse du Cabinet Grall et Associés : il conviendrait de supprimer « …en fonction de l’atteinte ou non des objectifs fixés contractuellement », cette notion n’ayant a priori aucun lien avec une clause de révision de prix.
Thématique n°2 – Mettre fin aux pénalités injustifiées et disproportionnées
Proposition n° 27 : Conditionner l’application de pénalités à l’existence de preuve d’un manquement et favoriser des applications justes de pénalités
– Obliger le distributeur à apporter la preuve du manquement du fournisseur pour lui appliquer une pénalité ;
– Demander à la CEPC une réflexion sur les meilleures manières de pénaliser « les ruptures rayons » ;
– Réfléchir aux outils rendant possible cette nouvelle exigence (photographie, bordereau signé par le livreur avec mention de l’heure, outils technologiques fiables sur les horaires dont seraient dotés les transporteurs, etc.).
Analyse du Cabinet Grall : toutes les propositions qui permettront de mettre fin aux pénalités injustifiées et disproportionnées sont à défendre et à amplifier ; il faut aller vers une extension par reconnaissance ministérielle par exemple comme en matière de conventions collectives de la recommandation de la CEPC en matière de pénalités logistiques de février 2019.
Proposition n° 28 : Renforcer l’importance du guide des bonnes pratiques en matière de pénalités logistiques de la commission d’examen des pratiques commerciales
– Diffuser et vulgariser les recommandations du guide des bonnes pratiques ;
– Enjoindre à la DGCCRF de se baser sur les recommandations de ce guide pour assurer son contrôle et cerner les pratiques manifestement déloyales ou suspectées de l’être.
Proposition n° 29 : Encadrer les pénalités logistiques
– Limiter le montant des pénalités logistiques à un pourcentage défini du prix d’achat des produits concernés ;
– Limiter l’application de pénalités logistiques aux situations causant des ruptures de stock en magasin
– Engager une réflexion sur les éléments du guide qui auraient leur place dans la loi.
Thématique n°3 – Renforcer le cadre juridique pour les produits MDD
Proposition n° 14 : Assujettir les accords relatifs à la fourniture de produits de marque distributeur (MDD) au même formalisme contractuel que les produits de marque :
– Préciser les mentions de la convention unique prévues à l’article L. 441-4 du code de commerce à propos des engagements convenus entre la grande distribution et ses fournisseurs pour la fourniture de produits sous marque de distributeur en prévoyant l’insertion systématique de clauses relatives au chiffre d’affaires prévisionnel, aux volumes, à l’innovation ;
– Conformément à l’obligation consacrée à l’article L. 441-4 du code de commerce, rendre obligatoire la réponse du distributeur, suite à la réception des conditions générales de fabrication adressées par le fournisseur ;
– Rendre obligatoire la mention des conditions générales de fabrication dans le contrat de fourniture de produits sous MDD.
Analyse du Cabinet Grall : les contrats de MDD constituent de manière relativement surprenante une zone de liberté puisque peu de dispositions prévues dans le Code de commerce s’y appliquent ; il faut donc renforcer le formalisme pour les MDD en faisant émerger des conditions générales de fabrication, à l’instar de ce qui est prévu sous l’article L.441-5 du Code de commerce pour tout achat de produits manufacturés, fabriqués à la demande de l’acheteur en vue d’être intégrés dans sa propre production, dont le montant est supérieur à un seuil fixé par décret.
Rappelons que cette convention doit mentionner les conditions convenues entre les parties, notamment :
1° L’objet de la convention et les obligations respectives des parties ;
2° Le prix ou les modalités de sa détermination ;
3° Les conditions de facturation et de règlement ;
4° Les responsabilités respectives des parties et les garanties, telles que, le cas échéant, les modalités d’application d’une réserve de propriété ;
5° Les règles régissant la propriété intellectuelle entre les parties lorsque la nature de la convention le justifie ;
6° La durée de la convention ainsi que les modalités de sa résiliation ;
7° Les modalités de règlement des différends quant à l’exécution de la convention et, si les parties décident d’y recourir, les modalités de mise en place d’une médiation.
Thématique n°4 – Mettre en place des contrôles et sanctions dissuasifs
Proposition n° 17 : Renforcer les moyens du médiateur des relations commerciales agricoles et mettre en place un dispositif d’arbitrage par la création d’une commission d’arbitrage distincte.
Analyse du Cabinet Grall & Associés : il s’agit là d’une bonne mesure car s’agissant alors d’une solution médiane entre la CEPC qui n’a pas de pouvoir juridictionnel à ce jour ou un médiateur et la saisine d’un juge judiciaire ; cela existe déjà dans les fruits et légumes par exemple !
Proposition n° 23 : Instituer au ministère de l’Économie un portail garantissant l’anonymat des fournisseurs ou des distributeurs dénonçant des pratiques manifestement illégales dans les relations commerciales entre ces deux acteurs (supply ou managing compliance)
Analyse du Cabinet Grall & Associés : disposition intéressante qui encourage la dénonciation de pratiques abusives comme par exemple le déréferencement partiel d’un produit/d’un format mais nécessitant alors la création d’une véritable infrastructure au sein de la DGCCRF ; un point néanmoins car les entreprises françaises ne sont pas nécessairement favorables à ce type de dénonciations.
Proposition n° 24 : Créer une obligation de signalement à l’administration de déréférencements abusifs pour le fournisseur, à travers un portail internet qui garantirait l’anonymat de la procédure.
Thématique n°5 – Lutter contre les pratiques abusives des alliances notamment internationales
Proposition n° 15 : Soumettre les accords visant à négocier de manière groupée l’achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs à une obligation d’autorisation de l’Autorité de la concurrence, au même titre que les opérations de concentration. Les modifications relatives à l’identité des parties prenantes à l’accord devront également être soumises à l’Autorité de la concurrence et faire l’objet d’un avis.
Analyse du Cabinet Grall : cette disposition va nécessairement dans le bon sens même si à ce jour elle se heurte à la définition d’une opération de concentration en droit européen de la concurrence mais à l’heure de la refonte des lignes directrices en matière de concentration par l’ADLC, pourquoi pas : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=696&id_article=3516&lang=fr
RISQUES/MENACES
Proposition n° 5 : Motiver par écrit la demande de tarif, puis, dans un délai de quinze jours, la réponse sur le tarif par le distributeur qui doit assortir cette première justification d’une contre-proposition également écrite.
Analyse du Cabinet Grall & associés : on pourrait penser qu’il s’agit d’une bonne mesure mais attention car le tarif ne doit pas pouvoir être négocié, c’est le fournisseur qui doit garder la main sur son tarif, seules les remises/ristournes peuvent être négociées avec des contreparties. Cette proposition ne donnerait-elle pas in fine le pouvoir au distributeur de remettre en cause légalement le tarif de l’industriel ?
Analyse du Cabinet Grall & associés : cette proposition pourrait être intéressante si on apporte une précision « Motiver par écrit en cours d’année, la demande de tarif en hausse de l’industriel,… »
Proposition n° 33 : Répertorier les services de coopération commerciale proposés aux fournisseurs par les distributeurs – au niveau français comme international – et établir un barème des prix exigés pour ces services.
Analyse du Cabinet Grall & associés : cette proposition va beaucoup trop loin et n’a pas de sens dans une économie libérale ; un service par ailleurs n’a pas la même valeur en fonction des produits concernés, de la période visée, du nombre de magasins, etc.
Proposition n° 40 : Créer un index, publié et actualisé mensuellement par l’Insee, permettant de modifier les prix parallèlement à son évolution et, en cas de variation importante, entraînant une renégociation obligatoire entre distributeurs et fournisseurs.
Analyse du Cabinet Grall & Associés : la liberté contractuelle des parties serait réduite. Un index est beaucoup trop réducteur, il faut tenir compte de la spécificité du produit et de sa valeur. Les entreprises vendent des marques, de la valeur ajoutée (innovations, services…).
Analyse du Cabinet Grall & Associés : cette proposition peut renvoyer à la clause de révision de prix et donc la proposition n°9 soutenue par la FICT.