L’ANIA et l’ILEC, conjointement avec leurs partenaires de la filière alimentaire, la FNSEA et Coop de France, ont adressé le 12 février un courrier conjoint (voir PJ) à la Directrice générale de la DGCCRF, Virginie Beaumeunier, afin de l’interpeller sur les nombreuses interrogations soulevées par la publication des « Lignes directrices relatives à l’encadrement des promotions » le 5 février dernier.
En effet, ce document relatif à l’ordonnance du 12 décembre 2018 inquiète particulièrement industriels et agriculteurs, très attachés à une application stricte de l’ordonnance. Ils considèrent, en raison des interprétations et notamment de l’absence d’encadrement par l’ordonnance des opérations du type « prix choc », des ventes avec prime (« l’offre d’un produit différent, y compris alimentaire, pour un ou plusieurs produits identiques achetés (vente avec prime) » et du cagnottage portant sur l’ensemble d’un rayon, que la rédaction actuelle limite significativement les effets de l’ordonnance.
L’Ania, avec l’ensemble des organisations signataires, regrette que ces lignes directrices n’aient pas fait l’objet d’un échange avant publication. En effet, le travail de concertation avait jusque-là permis d’élaborer des solutions communes et l’Ania et l’Ilec avaient adressé un guide commun à l’administration dès sa publication.
L’Ania, l’Ilec et leurs partenaires ont donc sollicité des réponses aux interrogations soulevées dans les meilleurs délais, et appelé de leurs vœux la parution de lignes directrices modifiées.
Les points soulevés par l’ANIA sont suivants (suivant l’ordre des lignes directrices) :
- Annonces de réduction chiffrées
Vous indiquez : « L’encadrement en valeur ne concerne que les offres portant sur un produit déterminé, dont le prix est annoncé en baisse par le distributeur par rapport au prix de vente au consommateur, ou dont la quantité est augmentée par rapport au conditionnement habituel sans augmentation de prix correspondante. Ces dispositions s’appliquent donc aux seules annonces de réduction chiffrées ».
Nous attirons votre attention sur l’ambigüité d’une telle rédaction pour les raisons suivantes :
- Le texte vise un « effet de réduction de prix » qui se traduit par la perception par le consommateur d’un avantage économique certain lié à l’achat du produit. Il est donc réducteur de limiter l’effet de baisse de prix à la simple annonce chiffrée.
- De même, vous indiquez que l’encadrement ne concerne que « les seules annonces de réduction chiffrées ». Ceci ne nous semble pas cohérent avec la première phrase qui affirme que les opérations visées sont celles « dont le prix est annoncé en baisse par le distributeur par rapport au prix de vente au consommateur ». En effet, dans le cadre d’une opération de baisse de prix non chiffrée accompagnée d’une affirmation « prix choc », le prix est bien « annoncé en baisse par le distributeur par rapport au prix de vente consommateur », même si le quantum de la réduction n’est pas chiffré.
- Enfin, dans le cadre d’une opération dans laquelle la quantité est augmentée par rapport au conditionnement habituel, il n’y a pas d’« annonce de réduction chiffrée ». Pour autant, l’effet est bien de réduire le prix de vente pour le consommateur.
Nous constatons déjà des tentatives de contournement d’enseignes demandant des « formats spéciaux » et craignons qu’une telle pratique se généralise. Nous souhaiterions donc que cette dernière phrase soit supprimée des lignes directrices.
- Cagnottage affecté
Vous indiquez que sont inclus dans le champ d’application de l’encadrement en valeur « Les avantages de fidélisation ou de cagnottage affectés à un produit : l’achat d’un produit précis donne droit à l’obtention d’un montant déterminé et chiffré (cumulé sur une carte de fidélité ou faisant l’objet d’un bon de réduction), que le consommateur pourra utiliser ultérieurement soit pour un achat, du même produit ou d’un produit différent, soit en déduction du montant total de ses achats, dans un établissement de la même enseigne (ex. : « X% du prix du produit cagnotté sur la carte de fidélité du magasin ») ; ».
Nous saluons l’intégration du cagnottage dans les opérations visées par l’ordonnance. Les très nombreuses opérations de cagnottage au-delà des 34 % réalisées pendant le mois de janvier attestent, si besoin était, de l’importance d’intégrer cette pratique dans le champ d’application de l’ordonnance.
En revanche nous ne souhaiterions pas que votre phrase soit mal interprétée. En effet, certains pourraient considérer que dès lors que l’achat de plusieurs produits donne droit à l’obtention de l’avantage, l’opération ne rentre pas dans le cadre de celles visées par l’ordonnance.
Nous vous remercions de bien vouloir préciser ce point dans les lignes directrices en indiquant que sont inclus « Les avantages de fidélisation ou de cagnottage affectés à un ou plusieurs produits identifiables ».
- Cagnottage non affecté
Vous indiquez que n’est pas inclus dans le champ d’application de l’encadrement en valeur « le cagnottage non affecté à un produit : l’obtention d’une cagnotte (sur la carte de fidélité ou par le biais d’un bon de réduction), que le consommateur pourra utiliser ultérieurement, n’est pas liée à l’achat d’un produit déterminé mais, par exemple, à l’achat d’un montant donné sur une certaine période et sur l’ensemble ou une catégorie de produits proposés à la vente par le magasin ; il s’agit par exemple de l’obtention d’un montant de 10 euros sur la carte de fidélité si le montant total des produits achetés à une date particulière dans le magasin ou sur un rayon donné est supérieur à 50 euros »
Nous partageons votre interprétation relative au cagnottage non affecté qui ne peut être considéré comme visé par l’ordonnance. Nous considérons toutefois que le cagnottage non affecté ne vise que les opérations qui concernent l’ensemble du magasin. À partir du moment où le cagnottage vise un rayon donné, il est alors affecté. Nous vous demandons donc de bien vouloir apporter cette précision et modifier votre exemple sur ce point.
- Absence d’annonces de réductions de prix chiffrées
Vous indiquez que ne sont pas incluses dans le champ d’application de l’encadrement en valeur « les pratiques de prix présentés comme avantageux pour le consommateur sans annonces de réductions de prix chiffrées mais avec des annonces littéraires du type « prix choc », « prix bas » ».
Pour les raisons exposées au 1) ci-dessus, nous attirons votre attention sur l’importance des voies de contournement ouvertes par une telle rédaction, de nature à réduire significativement la portée de l’encadrement. Nous considérons qu’une offre « Prix choc » ou « Prix bas » a, à l’évidence, un effet de réduction de prix. A défaut, elle constituerait une pratique commerciale déloyale voire trompeuse.
Il apparaît de jurisprudence constante qu’un opérateur qui réalise une publicité purement littéraire doit justifier de la réalité de la promesse. Autrement dit, une publicité présentant un produit vendu à « prix choc » obligera l’opérateur, en cas de contrôle, à prouver la réalité de l’affirmation et donc le quantum de celle-ci. Dès lors, si ce quantum est supérieur à 34 %, l’opération devra être considérée comme contraire à l’ordonnance du 12 décembre 2018.
Une interprétation contraire reviendrait à encourager et à voir se systématiser les annonces non chiffrées. Un tel parti pris risquerait d’encourager les opérateurs à avoir recours à des annonces promotionnelles imprécises (type « prix choc », « prix bas »), qui vont accentuer la perte par le consommateur de la notion de réelle valeur des produits alimentaires. Ceci serait totalement contraire à l’objectif premier des EGA et de la loi, qui est de redonner de la valeur aux produits alimentaires.
Par ailleurs, nous comprenons que n’entrent pas dans le champ d’application de l’ordonnance les formats dits « événementiels » ou « spéciaux », qui ne sont par nature pas référencés de manière permanente et ne peuvent afficher de prix en baisse.
Cette exclusion de fait nous parait ouvrir elle aussi la porte à de nombreux contournements, préjudiciables à l’efficacité du dispositif. Et en tout état de cause, un format spécial a vocation à offrir un avantage au consommateur qui, même sans être chiffré ou annoncé, peut se calculer par référence au prix des formats de la même marque référencés de manière permanente et connus des consommateurs et doit de ce fait être soumis au plafonnement des promotions voulus par l’ordonnance.
Nous souhaitons que cette partie des lignes directrices soit modifiée.
- Vente avec prime
Vous indiquez que n’est pas incluse dans le champ d’application de l’encadrement en valeur : « l’offre d’un produit différent, y compris alimentaire, pour un ou plusieurs produits identiques achetés (vente avec prime) ».
Vous semblez considérer que cette affirmation ne couvre que les ventes avec prime. Celles-ci consistent en l’offre d’un produit réputé de valeur faible (prime) en contrepartie de l’achat d’un produit principal.
Même si nous considérons que ce type d’offre rentre dans les prévisions de l’ordonnance, nous considérons que le risque est assez limité.
En revanche, pour définir les ventes avec prime vous visez « l’offre d’un produits différent (…) pour un ou plusieurs produits identiques achetés ». Ainsi, vous semblez valider sans limitation aucune, toutes les opérations de lot virtuel ou physique hétérogène.
Ainsi, la rédaction de vos lignes directrices pourrait conduire à considérer que par exemple l’offre « Pour 2 côtes de porc achetées, 3 escalopes de veau offertes » serait valable. Ceci reviendrait à rendre sans effet le plafonnement voulu par l’ordonnance et serait à l’évidence contraire à l’objectif de la loi et de l’ordonnance, de préserver la valeur des produits alimentaires.
Vous constaterez bien évidemment que ce type d’opération est très éloigné de ce qui peut être qualifié de ventes avec prime.
Nous vous demandons instamment de bien vouloir revoir la formulation sur ce point afin que les primes constituées de produits alimentaires soient expressément incluses dans le dispositif.
- Plafonnement en volume
Dans le calcul proposé, nous nous interrogeons concernant votre référence au chiffre d’affaires 3 × net alors que dans la note de bas de page vous faites référence au chiffre d’affaires net ou chiffre d’affaires ristournable. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?
Vous indiquez que « les fournisseurs et distributeurs devront s’assurer que la valeur à l’achat des produits revendus en promotion ne dépasse pas 25% du chiffre d’affaires prévisionnel (« sell in » entre fournisseur et distributeur, et non « sell out » auprès du consommateur ».
Selon nous, ces notions de « sell in » et de « sell out » ne reflètent pas seulement un mode de valorisation, sur lequel vous vous positionnez clairement, mais aussi des flux physiques, sur lesquels nous nous interrogeons ; en effet, la légende explicitant le schéma repris dans vos lignes directrices fait état des produits « ayant été revendus » en promotion. Faut-il en conclure que pour toutes les opérations promotionnelles, seuls les volumes effectivement revendus au consommateur sous forme promotionnelle entrent dans le calcul du plafond de 25% ?
Nous avions compris de nos échanges que les volumes pris en compte dépendaient du type d’opération considérée, et que par exemple, dans le cas de lots physiques porteurs d’une promotion consommateur, étaient pris en compte non pas les volumes revendus par le distributeur au consommateur mais ceux livrés par le fournisseur au distributeur. Pourriez-vous clarifier ce point ?
Par ailleurs, nous avons noté que vous faites référence au chiffre d’affaires finalement réalisé sans tirer aucune conséquence de cette référence. Nous comprenons que cette référence vise à rappeler que le chiffre d’affaires prévisionnel ne doit pas être fixé sans lien avec la réalité et que le chiffre d’affaires finalement réalisé permettra de contrôler la légitimité et la loyauté du chiffre d’affaires prévisionnel. Quelle serait votre appréciation du respect du plafond de 25% dans l’hypothèse où le CA réalisé serait par exemple de 800K€ et non 1.100K€ ? Pourriez-vous préciser ce point ?
Nous souhaitions vous indiquer que certains industriels, à qui nous avions présenté le schéma, en ont déduit que les 25 % devaient être calculés non pas par rapport au chiffre d’affaires prévisionnel mais par rapport au chiffre d’affaires finalement réalisé.
Enfin, nous nous interrogeons encore sur le périmètre des produits visés sous la formule « produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l’aquaculture » pour lesquels les parties peuvent convenir d’un engagement de volume. Pourriez-vous clarifier ce point ?
- Terme « Gratuit » comme « outil marketing et promotionnel »
Vous indiquez : La loi vise l’emploi du terme « gratuit » comme « outil marketing et promotionnel » ; l’interdiction s’applique donc à toute forme de communication et à tout support utilisant le mot « gratuit » dans le but d’influencer le comportement d’achat des consommateurs.
Ce texte pénalement sanctionné devant être interprété de manière stricte en application de l’article 111-4 du Code pénal, nous considérons donc, comme indiqué dans notre courrier du 13 novembre que l’utilisation du terme « gratuit » comme outil marketing et pas comme outil promotionnel ou comme outil promotionnel et pas comme outil marketing, ne pourrait pas être sanctionnée. Il nous semble donc important que puisse être précisé séparément, le sens des termes « outil marketing » et « outil promotionnel ». Nous vous demandons de bien vouloir apporter ces précisions ou indiquer qu’il appartiendra aux tribunaux de préciser ces points.
- Terme « Gratuit » et opérateurs de vente
Vous indiquez : « les opérateurs de vente, au sens des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 441-2 du code de commerce, doivent s’entendre comme l’ensemble des professionnels proposant à la vente des produits alimentaires, à d’autres professionnels ou à des consommateurs ».
Or, il nous semble évident que cette interdiction ne vise que la vente à des consommateurs pour deux raisons :
- Ce texte a été introduit dans un article relatif à la vente aux consommateurs ;
- L’amendement numéro 827 prévoit dans son exposé : « Le terme de « gratuité » ne peut être utilisé dans le cadre d’une relation commerciale. En effet, ce terme est trompeur en termes d’information du consommateur. »
Nous vous tiendrons informés de la réponse qui nous sera apportée.